La théorie du cerveau efficient

Les premières études sur les neurosciences de l’intelligence ont eu lieu dans les années 1980. Elles utilisaient la technologie PET qui consiste à mesurer la consommation de glucose, le flux sanguin ou l’activité d’un neurotransmetteur dans le cerveau en injectant un traceur radioactif. Ainsi, on demande au sujet de réaliser une tâche cognitive et on observe l’activité cérébrale via la consommation de glucose radioactif. A ce moment-là, les chercheurs se demandaient où se logeait l’intelligence dans le cerveau. 

En 1988, une première étude portait sur l’observation de l’activité cérébrale lors de la résolution des Matrices de Raven en comparaison à un groupe contrôle qui réalisait une tâche simple d’attention sans résolution de problème (Haier, 1988). En soustrayant les aires cérébrales communes qui s’activaient lors de la tâche attentionnelle et de la tâche de résolution de problème, il ne restait que l’activation des aires cérébrales spécifiques à la résolution des Matrices. Les chercheurs ont été surpris d’observer des corrélations négatives signifiant que les individus réussissant le mieux la tâche des Matrices de Raven montraient une plus faible activité dans les aires cérébrales concernées par cette tâche comparativement à ceux qui réussissaient moins bien.  

Aires cérébrales activées selon l’efficience
(Source : Haier, 1988, cité par Haier, 2017)

Ces résultats qui, à l’époque, étaient contre-intuitifs, suggéraient que l’intelligence ne signifiait pas forcément que le cerveau « travaillait dur » mais qu’il travaillait de manière plus efficace. L’hypothèse du cerveau efficient est née : une haute intelligence requiert moins d’activité cérébrale

Le même pattern a été retrouvé après un entraînement intensif au jeu Tetris (Haier et al., 1992). L’interprétation fut la suivante : le cerveau a appris quelles aires cérébrales ne pas utiliser pour devenir plus efficient. Si certaines études ont pu reproduire cette baisse d’activité cérébrale avec l’efficience et/ou l’apprentissage, d’autres n’ont pu la reproduire et la question de cette hypothèse reste toujours ouverte. 

Aires cérébrales activées selon l’expertise
(Source : Haier, 1992, cité par Haier, 2017)

Toujours avec la technique PET, les chercheurs ont également souhaité savoir comment se comportait le cerveau intelligent lorsqu’il n’était pas en train de résoudre une tâche cognitive, mais lorsqu’il était plus passif, par exemple lors du visionnage d’une vidéo (Haier et al., 2003). Cette fois-ci, le cerveau des personnes réussissant mieux aux Matrices de Raven était plus actif que celui des personnes qui réussissaient moins bien et qui se montraient, elles, plus passives. 

Certains psychologues en ont déduit que le cerveau des personnes surdouées était constamment en réflexion et que cela expliquait le mal-être que pouvaient ressentir certains. Ceci est une interprétation et il est fort possible, lors de ce type de recherche en laboratoire et donc non naturelle (n’oublions pas que la technique PET est assez invasive), que les personnes HPI se mettent en position active d’apprentissage due au contexte même de la recherche.


À retenir 

L’étude des neurosciences de l’intelligence est en lien avec le développement des techniques d’imagerie cérébrale. Les premières recherches ont utilisé la technologie PET qui suivait la consommation de glucose lors de la résolution d’une tâche. Les chercheurs ont été surpris de constater que le cerveau des personnes réussissant mieux une tâche de raisonnement était moins actif que celui des personnes qui y réussissaient moins. Cette sous-activité s’est également retrouvée après apprentissage d’habiletés. Ils ont ainsi émis l’hypothèse du cerveau efficient. 

Sources

Haier R. J., Siegel Jr. B. V., Nuechterlein K. H., Hazlett E., Wu J. C., Paek J., Browning H. L., Buchsbaum M. S. (1988). Cortical glucose metabolic rate correlates of abstract reasoning and attention studied with positron emission tomography. Intelligence, 12 (2), p 199-217.

Haier R.J., Siegel B.V., MacLachlan A., Soderling E., Lottenberg S., Buchsbaum M. S. (1992). Regional Glucose Metabolic Changes After Learning a Complex Visuospatial/Motor Task: A Positron Emission Tomographic Study. Brain Research, 570, p 134-143.

Haier R. J., White N. S., Alkire M. T. (2003). Individual differences in general intelligence correlate with brain function during nonreasoning tasks. Intelligence, 31(5), p 429-441.

Haier R. J. (2017). The Neuroscience of Intelligence. Editions Cambridge University Press.

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