La théorie de la jonction fronto-pariétale (PFIT)

Finalement, en réanalysant les données issues des études en PET, IRM et IRMf utilisant des tâches différentes, certaines aires cérébrales étaient communes dans plus de 50% de 37 études publiées depuis 1988 (Jung et Haier, 2007). Les aires cérébrales saillantes identifiées étaient distribuées à travers le cerveau, mais plus précisément entre le cortex pariétal et le cortex frontal. Ce modèle a été nommé : « la théorie de l’intégration pariéto-frontale de l’intelligence » (PFIT en anglais pour Parieto-Frontal Integration Theory). 

Jonction Fronto-Pariétale
(Source : Haier, 2017)

Haier et son équipe ont alors suggéré que ces aires définissent un réseau cérébral général sous-jacent à l’intelligence. La plupart de ces aires se trouvent dans les lobes frontaux et pariétaux, certaines uniquement dans l’hémisphère gauche (les cercles bleus) et d’autres, dans les deux hémisphères (les cercles rouges). Un important réseau de fibres blanches (flèche jaune) connecte les lobes frontaux et pariétaux tel une super autoroute. Il a été appelé « le fascicule arqué ». 

Lors d’une étude longitudinale de 3 ans portant sur des jumeaux adolescents et leur fratrie, les individus dont le QI avait augmenté durant cette période ont montré une augmentation de l’efficience du réseau de substance blanche entre le lobe frontal et le lobe temporal (Koenis et al., 2015). 

Ce modèle présente 4 étapes du traitement de l’information impliqué dans le raisonnement et la résolution de problème. Dans la première étape, l’information entre par les aires postérieures du cerveau qui traitent l’information sensorielle (BA 18, 19, 37 et 21). Dans la deuxième étape, l’information arrive aux aires associatives du cortex pariétal (BA 40, 7 et 39) qui font le lien avec la mémoire en élaborant des représentations abstraites et symboliques. Dans l’étape 3, l’information arrive aux lobes frontaux (BA 6,9, 10, 45, 46 et 47) qui considèrent l’information ainsi intégrée, qui pèsent les options et qui décident des actions à mener pour l’étape 4, qui elle, crée la réponse même, qu’elle soit verbale ou motrice dans le gyrus cingulaire antérieur (BA32).

Des études basées sur les processus cognitifs ont montré que certaines aires du PFIT étaient reliées à la mémoire, l’attention et le langage, suggérant que l’intelligence est constituée de l’intégration de ces processus cognitifs fondamentaux. L’hypothèse de Haier et son équipe est que les différences individuelles d’intelligence sont déterminées à la fois par des caractéristiques structurelles des aires du PFIT et de la façon dont l’information transite à travers ces aires. Certaines personnes pourront avoir plus de substance grise dans des aires importantes et plus de fibres de substance blanche connectant des régions cérébrales alors que d’autres auront un meilleur passage de l’information efficiente dans les régions du PFIT. 

Ce modèle a été confirmé par de nombreuses autres études (Basten, Hilger et Fiebach, 2015). Grégoire (2019) cite Lee et al. (2012) et affirme qu’il est aujourd’hui admis que « les fondements biologiques de l’intelligence mettent en œuvre des régions corticales largement distribuées et en intervention étroite ». Grégoire en conclut que « l’intelligence ne peut être identifiée à une fonction particulière, mais plutôt comme un réseau cérébral associant de manière efficace un ensemble de fonctions« . La mémoire de travail trouverait alors sa place comme une composante parmi d’autres. La connectivité fonctionnelle de ce réseau apparaît alors comme un bon candidat pour le facteur g. Récemment, Schubert et al. (2017), par le biais de potentiels évoqués permettant de mesurer la vitesse de connexion entre les aires cérébrales lors de la résolution d’une tâche intellectuelle, ont constaté que « les individus les plus intelligents bénéficient d’une transmission plus efficiente de l’information entre les processus frontaux de l’attention et de la mémoire de travail et les processus temporo-pariétaux de la mémoire à long terme« . Par contre, poursuit Grégoire, ces mêmes individus ne se caractérisent pas par une vitesse de traitement des informations qui concernent l’ensemble des connexions cérébrales« . 


À retenir 

Un consensus est né dans les neurosciences de l’intelligence autour du modèle de l’intégration pariéto-frontale. L’efficience du facteur g serait dû à l’intégrité de ce réseau cérébral, et non sur l’ensemble du cerveau.

Sources

Basten U., Hilger K., Fiebach C. J. (2015). Where smart brains are different: A quantitative meta-analysis of functional and structural brain imaging studies on intelligence. Intelligence, 51, p 10–27.

Grégoire J. (2019) . L’examen clinique de l’intelligence de l’enfant. Fondements et pratique du WISC-V. Editions Mardaga. 

Jung R.E., Haier R.J. (2007). The Parieto-Frontal Integration Theory (P-FIT) of intelligence: converging neuroimaging evidence. Behavioral and Brain Sciences, 30 (2), p 135-154.

Koenis M.G., Brouwer R. M., Van den Heuvel M. P., Mand R. C.W., Van Soelen I. L.C., Kahn R. S., Boomsma D.I., Hulshoff Pol H.E. (2015). Development of the Brain’s Structural Network Efficiency in Early Adolescence: A Longitudinal DTI Twin Study. Human Brain Mapping, 36, p 4938–4953.

Lee  T-W. ,  Wu  Y-T. , Yu  Younger W-Y. , Wu  H-C ., Chen  T-J. (2012). A smarter brain is associated with stronger neural interaction in healthy young females: A resting EEG coherence study. Intelligence,
 40 (1), p 38-48.

Schubert A.-L., Hagemann D., Frischkorn G. T. (2017). Is general intelligence little more than the speed of higher-order processing?  Journal of Experimental Psychology: General, 146 (10), p 1498–1512 
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