Le doute

L’effet Dunning-Kruger 

On lit également que les personnes à haut potentiel intellectuel doutent souvent d’elles-mêmes car elles « mesurent l’ampleur de leur ignorance sur le monde« . Ce phénomène s’appelle l’effet Dunning-Kruger. Ces auteurs, dans une de leurs recherches (1999), ont fait passer un test à de nombreuses personnes puis leur ont demandé d’estimer leurs performances. Les sujets ayant le moins réussi ont surestimé leur réussite et les sujets ayant le plus réussi se sont sous-évalués. Cette recherche est tellement connue qu’elle en est devenue un « effet ».
Plusieurs interprétations de cet effet ont été proposées. Il semblerait que lorsque nous manquons de compétences, nous n’avons pas les capacités pour nous rendre compte de ce qui nous manque ; cela nécessiterait une mémoire de travail capable de traiter les données à atteindre. En revanche, lorsque nous acquérons certaines compétences et connaissances, nous nous rendons compte de ce qui nous reste à acquérir pour pouvoir maîtriser enfin un domaine.

(source : Kruger et Dunning, 1999)

Des extrapolations de cet effet ont été réalisées où la différence entre notre estimation et nos performances réelles se réduit avec l’augmentation des compétences. Ceci signifie qu’avec le temps, nous avons conscience que nous nous approchons d’une compétence aboutie. 

Schéma représentant la courbe d’apprentissage d’une compétence par rapport à l’auto-évaluation dans cette compétence.
(Source : Arjuna Filips — Travail personnel, CC BY-SA 4.0,)

Le doute et le syndrome de l’imposteur

Cet effet a été remis en cause, non entièrement, mais partiellement. Il ne se rencontrerait pas systématiquement. Néanmoins, il peut expliquer, en partie, ce que l’on appelle le syndrome de l’imposteur. Ce syndrome consiste à dévaloriser notre réussite en l’attribuant à d’autres circonstances que nos capacités, comme par exemple la chance. Il s’agit donc là d’une attribution causale. Deux éléments peuvent entrer en ligne de compte : (1) le fait de réussir sans avoir besoin de beaucoup travailler et (2) l’assurance dont font preuve les personnes qui se surestiment (effet Dunning-Kruger) et qui nous font douter par leur aplomb. Concernant le premier point, on peut s’imaginer que lorsqu’on réussit facilement alors que l’on voit autrui faire beaucoup d’efforts, on puisse penser que notre réussite relève plus de la chance que de nous-même (on peut aussi penser que c’est grâce à nos capacités innées, mais dans ce cas, cela ne relève pas du syndrome de l’imposteur mais de l’état d’esprit fixe – on en reparlera dans la partie sur l’échec scolaire). Quant au deuxième point, se retrouver face à des personnes sûres d’elles alors que nous doutons d’une idée peut amener à douter davantage : « si la personne affirme cette chose avec autant de conviction, c’est qu’elle doit savoir quelque chose que je ne sais pas ». 

Pourtant, ce syndrome de l’imposteur n’est pas forcément toujours en lien avec une comparaison avec autrui mais peut trouver son origine dans des exigences très élevées. Quoique la personne fasse, ce ne sera jamais parfait, elle ne se sentira jamais à la hauteur et aura l’impression d’être un imposteur, mais sans forcément voir que les autres ne font pas mieux qu’elle. Ce perfectionnisme peut trouver sa source dans un attachement insécure durant l’enfance, sans lien particulier avec les capacités intellectuelles. 

Comme très souvent, un même symptôme peut cacher des fonctionnements différents. Si vous avez l’impression d’être un imposteur, la personne qui vous accompagne devra identifier le fonctionnement qui fait naître cette pensée. 

Le doute ne concerne évidemment pas toutes les personnes à haut potentiel intellectuel ; certaines sont même très sûres d’elles. Et certaines personnes à haut potentiel intellectuel qui disent douter peuvent être très attachées à leurs croyances, sans les remettre en cause et se montrer rigides. Il y a aussi, me semble-t-il, une valorisation sociale autour du doute : la personne qui doute ou qui dit douter est mieux perçue, elle semble plus humble. 


À retenir 

Le syndrome de l’imposteur peut provenir de l’effet Dunning-Kruger, mais surtout il s’agit d’une attribution causale particulière et donc d’un système de croyances sur lequel il faudra travailler. Il ne concerne pas que les personnes à haut potentiel intellectuel. Ces dernières peuvent aussi affirmer douter et en même temps, se montrer très rigides sur leurs croyances. 

Source

Kruger J, Dunning D, (1999). Unskilled and Unaware of It: How Difficulties in Recognizing One’s Own Incompetence Lead to Inflated Self-Assessments, Journal of Personality and Social Psychology, 77 (6), p. 1121–1134

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